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Bulletins du club

Fryslând, une navigation entre eau salée et eau douce

Embarquement immédiat pour une navigation pas comme les autres. C’est en Hollande, au bord de la mer du Nord, là où la terre est continuellement foulée par les vents que nous avons rendez-vous. La région s’appelle la Frise. La ville de ralliement se prénomme Harlingen, Harns comme disent les Frisons très fiers de leur langue qui n’est pas un dialecte, mais bien une langue à part entière. Son dédale de canaux qui s’enfilent dans chaque recoin de la ville ne faillit pas à la réputation de la Hollande. A chaque coin de rue, un bateau pointe le bout de son nez et il n’est pas rare de voir dépasser des mâts par-dessus les toits de la ville. Les ponts s’engagent dans un ballet incessant, s’ouvrent, basculent, pivotent au gré des allers et venues des bateaux.

Si la ville n’est pas très grande, c’est bien l’unique chose de la croisière qui ne l’est pas. Un équipage composé de 26 matelots sans compter les deux skippers et les deux cuisiniers s’apprêtent à embarquer sur un bateau d’un autre temps, le Grootvorst. Un bateau à fond plat de 40 mètres de long et possédant trois mâts. Au total, 15 voiles peuvent se déployer pour faire avancer cet oiseau des mers. Ce vendredi 27 juin, tout le monde est au rendez-vous à 18h tapante pour prendre ses quartiers à bord de cette embarcation datant de 1896.

Le départ tant attendu

Après un bel orage durant la nuit de vendredi qui a nettoyé le ciel, une belle journée s’annonce samedi matin. À 9h30, rendez-vous sur le pont pour recevoir les instructions de Dominique, notre maître des manœuvres. Présentation des différentes voiles, de l’emplacement des drisses, des écoutes. Il faut dire qu’avec ses 520m2 de voiles à hisser à la main « Oh hisse ! » ne sera pas un vain mot !!! Tout le monde est impatient de larguer les amarres. Ça y est, c’est fait. Dans la plus grande décontraction de la part de nos skippers qui ne voient pas où se trouve la difficulté de manipuler un engin pareil. Direction Terschelling, une île au nord-ouest de Harlingen. Après quelques miles, nous hissons les cinq voiles principales sous le commandement et l’œil attentif de Dominique … impressionnante image de voir le bateau ainsi gréé. Pas de winch à bord, mais au moins trois personnes suspendues à chaque drisse pour hisser les voiles, houlà les muscles !! À la voile, nous entamons maintenant un zigzag entre les bancs de sables du Waddenzee. Les balises latérales se succèdent à un rythme effréné. L’arrivée sur l’île de Terschelling se passe sous un soleil radieux et une manœuvre d’accostage impeccable malgré la taille imposante de notre navire. Y a pas à dire, ils maîtrisent la bête nos deux jeunes skippers, Dominique et Andras. Une visite de la ville et un excellent souper préparé par Hans et Ania, nos cuisiniers, termine une première journée de navigation inoubliable où nous avons croisé une multitude de bateaux historiques donnant l’impression de naviguer dans un autre temps.

Échouage en vue

Dimanche 29 juin. Après un déjeuner copieux, nous manœuvrons pour laisser partir le bateau auquel nous étions à couple. Ensuite, nous nous remettons à quai car l’heure de départ n’est prévue qu’à 11h30 afin qu’on puisse échouer quelque part dans le Waddenzee l’après-midi. Pendant ce temps, nous avons pu admirer la maîtrise des barreurs lors des nombreuses manœuvres de ces majestueux bateaux historiques et quelle n’a pas été notre surprise de voir un enfant d’une douzaine d’années derrière une barre à roue. Un vrai jeu d’enfant pour lui ! A l’heure prévue, nous appareillons et naviguons quasiment qu’à la voile. Certains d’entre nous s’essaient à leur tour à la barre. Après un premier échouage involontaire où nous avons touché un banc de sable, nous nous dégageons et repartons un peu plus loin pour l’échouage prévu au milieu du Waddenzee non loin de l’île de Texel. Ne reste plus qu’à patienter ! Nous suivons attentivement la baisse du niveau de la mer. À 16h, Claude Beaud part en éclaireur. Il remonte ses pantalons et descend l’échelle. Tout va bien sur l’estran, mais l’eau le mouille tout de même bien plus haut que les genoux. Attendons encore un peu. Une demi-heure plus tard, toute l’équipe du CCSLémanique « marche sur l’eau » et se met à la recherche de crabes. Heureusement que Hans ne comptent pas sur notre pêche pour le souper ! A l’heure de passer à table, nos skippers et cuisiniers s’éclipsent, c’est que l’équipe de Hollande joue ce soir-là. Tout à coup, deux coups de cornes de brume signalent les buts de l’équipe des Pays-Bas face au Mexique. Ouf, notre équipage néerlandais sera de bonne humeur pour le reste de la semaine. La journée se termine par un mouillage, proche de l’endroit de notre échouage.

De l’eau salée à l’eau douce

Après avoir passé la nuit au mouillage au milieu de nulle part, nous levons l’ancre à 9h30. L’équipage étant de plus en plus à l‘aise avec les manœuvres, les voiles sont hissées rapidement. S’ensuit une magnifique navigation en suivant le chenal qui nous mène à l’écluse est de la digue, l’Afsluitdijk, longue de 32km séparant l’Ijsselmeer de la mer des Wadden. Nous nous engageons par la porte de droite, celle de gauche étant réservée aux yachts inférieurs à 15 mètres. On n’évolue pas dans la même catégorie ! Lors du passage de l’écluse, appelée Lorentzsluizen, nous nous réchauffons avec un bon bouillon préparé par notre chef, pendant que sous nos pieds l’eau descend de deux mètres. Nous voici désormais en eau douce dans l’Ijsselmeer. Quelle sensation extraordinaire que de barrer un bateau de 108 tonnes. À 14h45, alors que nous filons au portant à huit nœuds, nous croisons un X battant pavillon suisse. Nous essayons de le contacter par VHF, mais sans succès. À 16h15, le Grootvorst fait son entrée dans le très joli port de Medemblik. Nous amarrons juste devant une série de petites maisons hollandaises. Le propriétaire de la maison d’en face s’invite à bord pour savoir d’où on vient. Il aime bien savoir qui sera ses voisins d’un soir. Il est pêcheur d’anguilles. Ni une, ni deux, il revient avec son vélo et une spécialité locale à nous faire déguster : l’anguille fumée. Bonne mise en bouche avant un délicieux repas italien que nous a préparé notre « cook » en chatant comme à son habitude. Pour les amateurs de foot, la soirée se poursuit dans un pub du coin.

Un peu de culture et un peu de sport

Sous une météo propice, nous avons quitté Mebemblik le 1er juillet à 10h30, voiles établies avant même de larguer les amarres, en direction d’Enkhuizen. La sortie du canal étroit a pu se faire avec seulement une petite aide au moteur. Durant le trajet, certains d’entre nous se sont relayés à la barre ou ont participé aux manœuvres des voiles. À 13h30, nous appontons au Zuidenzee Museum. Il regroupe des habitations historiques qui proviennent de différents endroits de la Hollande et qui parfois ont été transportées en une seule pièce sur ce site. La visite nous donne un aperçu grandeur nature de la vie des pêcheurs et des artisans vivant entre 1850 et 1932, le tout agrémenté d’une dégustation de harengs fumés et du célèbre fromage hollandais, le Gouda. Après la visite, nous déplaçons le bateau au port d’Enkhuizen, où une surprise nous attend. L’un de nos deux skippers, Dominique, nous a organisé une visite de l’école de marine dans laquelle il a été formé. L’établissement est repérable à son impressionnant voilier posé à même le sol dans la cour de l’école et servant à la formation des futurs marins. Entre bibliothèque, maquettes, salle des cours et atelier, nous avons eu un aperçu de l’étendue et de la complexité de la formation de skipper pour ce type de voiliers traditionnels. La visite terminée, l’équipage se retrouve dans un pub pour suivre le huitième de finale du Mondial entre la Suisse et l’Argentine. Nos désillusions abondamment noyées dans la bière, nous trouvons enfin le réconfort avec le délicieux repas qui nous attendait à bord du Grootvorst. Promenades nocturnes ou petit verre de whisky sur le pont, chacun finit par se consoler et trouver un sommeil bien mérité !

Pomper l’eau sans relâche

Après un petit déjeuner copieux comme toujours, le skipper nous annonce le départ pour 9h. Au programme de ce mercredi 2 juillet, la traversée de l’Ijsselmeer d’ouest en est pour rejoindre Lemmer. A 9h tapante, tout le monde est sur le pont et les skippers sont déjà à pied d’œuvre. Nous allons sortir du port à la voile. On retrousse nos manches et on hisse les trois grandes voiles. C’est le sport matinal… Dominique lâche les amarres à la proue, le bateau pivote. Andras lâche les amarres à la poupe et c’est parti. Sans bruit, le bateau sort du port avec un vent force 3 et un temps couvert.

C’est la première fois que Patrick est en pantalon long et chaussures fermées…. C’est un mauvais présage….une tempête peut-être… Le vent s’y prête, alors on hisse deux voiles supplémentaires, les deux « jirk » d’avant. Nicole prend la barre. On ne le remarque même pas car elle maîtrise. Puis je prends la barre (Laurent) un moment, mais c’est difficile de garder le cap. Je prends plus de dix minutes pour m’approprier l’engin de 108 tonnes. Ensuite, c’est au tour de Véronique et d’Alain.

A l’approche de notre prochaine escale, à la centrale de pompage à vapeur à Lemmer, on affale les voiles et on s’amarre au quai d’attente devant l’écluse. Pied à terre au milieu des moutons pour rejoindre la station de pompage et faire une petite visite. Le bâtiment est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco.

A l’époque lors de fortes pluies, les employés venaient charger les chaudières de charbon. Dès que la température était assez haute, les machines à vapeur se mettaient à fonctionner pour pomper l’eau et assurer que les habitants gardent les pieds au sec. Après cette visite, nous reprenons le bateau pour aller au port, 500 mètres plus loin. C’est Dominique qui pilote et qui nous fait une manœuvre parfaite avec un demi-tour dans le port avec seulement deux mètres de marge à l’avant et à l’arrière, la maîtrise quoi. Nous profitons ensuite de visiter la ville et ces canaux, magnifique…

Sur le chemin du retour

Voilà, la croisière touche presque à sa fin. Encore une belle journée en vue d’une grande navigation d’environ 40 miles qui nous amènera à Franeker, notre port final. Départ de Lemmer le 3 juillet à 9h et pour la première fois des vagues se sont levées. Le vent est frais. Après un moment au moteur face au vent, nous mettons les voiles et devons tenir notre équilibre dû à une légère gîte. À l’heure du lunch, le temps se calme et la température devient agréable, ce qui nous permet d’apprécier une soupe à l’oignon et des hamburgers maison.

Dans l’attente de l’ouverture de l’écluse qui nous ramène en eau salée, notre skipper joue du moteur pour maintenir une position, vu que le ponton d’attente réservé à notre genre d’embarcation est occupé en plein milieu par un plaisancier sans gêne. L’écluse passée, nous filons direction Harlingen. À 17h, nous commençons à apercevoir les premiers voiliers écoles amarrés dans le port et qui prendront part à la Tall Ship Races qui s’élancera dimanche depuis Harlingen. La ville, qui compte normalement 10'000 habitants, s’attend à recevoir 350'000 visiteurs lors de cette manifestation. Au fur et à mesure que l’on s’approche, on découvre une forêt de mâts. Le spectacle promet d’être magnifique. En attendant, nous remontons le canal principal qui mène à Franeker en dégustant le délicieux festival de pâte que le cuisinier nous a préparé. Nous mangeons sur le pont pour admirer les jolies maisons et jardins qui bordent le canal. Arrivés à bon port après une semaine magique, les skippers et l’équipe de cuisine sont chaleureusement remerciés. Une croisière réussie à tous les points de vue. Merci aux organisateurs.

Des bateaux, des émotions

Vendredi 4 juillet. Ça y est la croisière est officiellement terminée. L’association qui nous a loué le bateau vient s’occuper de nos bagages. Nous, nous filons en train jusqu’à Harlingen pour découvrir de plus près ces bateaux écoles. Chacun se sépare selon ses envies de découverte. Des bateaux français, norvégiens, suédois, hollandais, anglais, on ne sait plus où donner de la tête. À force de regarder en l’air pour prendre conscience de la hauteur de mât, un torticolis n’est pas loin. Mais celui qui attire tous les regards est sans conteste le bateau-école russe, un quatre mâts dont la voilure totale représente 1300m2. Les matelots sont jeunes, très jeunes et vu les portes hermétiques à bord, on prend conscience que le bateau doit essuyer de sacrées tempêtes sur les eaux du globe. Une chapelle orthodoxe est d’ailleurs présente à bord pour réconforter les marins. La présence de ce bateau russe est la surprise de la Tall Ship. Vu les tensions entre la Russie et l’Ukraine, et par conséquent avec l’Europe, sa présence n’était pas assurée. Au dernier moment il a décidé de venir. Un présage en vue d’un apaisement des tensions ?

Pour le CCSLémanique
Claude B, Myriam, Silvana, Florence, Patrick, Laurent F, Sabine, Sandra, Michel, Claude G, Aude, Waltraut, Pierre, Christian, Laurent M, Guy, Claude P, Marlène, Silvio, Corinne, Hanna, Jerzy, Alain, Véronique, René, Nicole.

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